Le long du rail : un serre-frein gothique et la frontière franco-allemande
La question de départ était : qui a acheté la maison de Maladrie à Sarrebourg, dans laquelle est née Mathilde SCHAEFFER, la mère de papi Gilbert ?
L’enquête qui a suivi est frustrante du point de vue des informations récoltées, car si le département de la Moselle a enfin mis ses archives d’état civil en ligne, il n’y a tout de même pas grand chose à se mettre sous la dent : on n’a pas les archives de recensements à Sarrebourg, par exemple. Je me contente de lire que le père de Mathilde, Jacques SCHAEFFER, habitait déjà à Maladrie au moment de son mariage en 1899, alors que sa femme Marie-Louise ERHART habitait avec ses parents à Bellevue, un autre lieu-dit de Hoff (intégré à Sarrebourg en 1953). C’est Jacques qui semble avoir acquis la maison, car il n’est pas d’ici au départ. Lui est né en Alsace, à Mommenheim, et ses parents et ancêtres semblent ancrés depuis plusieurs générations dans la commune voisine de Schwindratzheim.

Mais je me suis bien amusée quand même, notamment en déchiffrant les actes d’état civil en écriture gothique. Combien de minutes ai-je passé à m’écarquiller les yeux sur le métier de Jakob Schäffer, comme on l’appelait en allemand ? Ça commence par un L, manifestement… Eh bien non : ça commençait par un B. Jacques était Bremser – soit « serre-frein ». Die Bremse, c’est le frein. Je devrais toujours garder un modèle de l’alphabet gothique sous la main.

« Vor dem unterzeichneten Standesbeamten erschien heute, der Persönlichkeit nach der Bremser Jakob Schäffer, wohnhaft in Maladrie, ?? Hof »
Jacques le serre-frein a d’ailleurs déménagé à Réding entre 1901 et 1903 : les actes de naissance de ses enfants à partir du troisième (Aline, Paul Robert, Paul et Rudolf) mentionnent que le couple habite à la gare de Réding («am Bahnhof»). Il y avait une cité d’employés du chemin de fer.
Marie-Louise ERHART, elle, ne vient pas d’Alsace. Elle ne vient même pas d’une région franchement germanophone, ce qui lui valait à l’époque d’être surnommée «la welsch» – celle qui ne parle pas une langue germanique –, comme on s’en souvient dans la famille…
Marie-Louise est née en 1878 à Avricourt, à mi-chemin entre Lunéville et Sarrebourg. Sept ans plus tôt, l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace-Lorraine a donné lieu à plusieurs mois de négociations dont l’enjeu était le contrôle des lignes ferroviaires. Avricourt s’est retrouvée déchirée en deux. La ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg marquait la frontière. La moitié sud de la ville, avec la gare, a été rendue à la France. En échange, la France s’est engagée à financer la construction d’une nouvelle gare frontière dans la partie nord devenue allemande. Cette nouvelle gare et cette partie nord ont été appelées Deutsch Avricourt.

Plan de délimitation de la frontière franco-allemande sur le territoire d’Avricourt, annexé à la convention des 24 et 27 août 1872
Sur l’acte de mariage de Marie-Louise (enfin, «Maria Luisa») en 1899, que j’étais allée photographier moi-même aux archives municipales de Sarrebourg, elle est indiquée être née à Deutsch-Avricourt :

Son acte de naissance, lui, est sur le registre bilingue d’Avricourt, commune de «Deutsche Lothringen».

Première page du registre des naissances d’Avricourt de 1875.
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