Erhart, la famille aux 16 enfants

Avricourt en 1913.

Les recherches de la semaine dernière m’ont menée dans la famille ERHART, et notamment dans la vie de mon aïeule Marie-Louise ERHART, la mère de «mémé Mathilde» SCHAEFFER. J’avais découvert que Marie-Louise était née à Avricourt, commune devenue allemande en 1871, puis a habité avec ses parents dans le quartier Bellevue à Hoff, avant de se marier en 1899 et de s’installer à Maladrie, quelques centaines de mètres plus loin. Ses parents ont donc déménagé.

Mais en creusant davantage ce week-end, j’ai vu qu’il avaient même déménagé plusieurs fois… grâce à l’impressionnante brochette d’enfants qu’ils ont semés sur le chemin ! Je n’ai pas vérifié, mais je crois pouvoir dire sans me tromper que c’est la plus grande fratrie sur laquelle je suis tombée jusqu’ici : Pierre ERHART et Clémentine BARBAS ont eu 16 enfants au total. Tous n’ont pas vécu très vieux. J’ai réussi à en pister la majorité. Voici l’histoire…

Les parents

Pierre ERHART vient de Bettborn, au nord de Sarrebourg, où il est né en 1849. Il rencontre Marie Clémentine BARBAS, originaire d’Avricourt et de sept ans sa cadette, peut-être à l’occasion d’un déplacement professionnel car ce n’est pas exactement la porte à côté. Pierre est employé au Chemin de fer à cette époque. Clémentine, elle, est journalière. Elle a 18 ans et demi quand ils se marient le 9 janvier 1875 à Avricourt. On comprend qu’elle se laisse passer la bague au doigt si jeune : la petite Lucie est déjà en route, et naît six mois plus tard, le 19 juillet 1875.

Mélanie, le premier enfant maudit

Mais Lucie est-elle vraiment la première fille de Pierre et Clémentine ? Je n’avais pas vu au premier coup d’œil les petites lignes de leur acte de mariage… où ils en profitent pour «reconnaître et légitimer un enfant né d’eux», déjà âgé d’un an et demi.

«Les comparants nous ont en même temps déclaré qu’ils reconnaissent et veulent légitimer un enfant de sexe masculin, né d’eux le quatre juin mil huit cent soixante treize, à Avricourt et qui a été inscrit sur le registre de cette commune à la date du cinq juin, sous les noms de Barbas Marie Clémentine.»

L’acte de mariage précise qu’il s’agit d’«un enfant de sexe masculin». Pourtant, quand j’épluche l’état civil d’Avricourt en 1873, je trouve une petite fille. On va dire qu’il s’agit d’une banale erreur d’officier d’état civil distrait. Quand cette «fille naturelle» naît en juin 73, elle ne peut évidemment porter que le nom de sa mère. Mais il est intéressant de noter qu’on lui donne aussi le même prénom, comme si l’enfant illégitime n’avait pas droit à une identité propre. Marie Clémentine BARBAS, fille de Marie Clémentine BARBAS…

Acte de naissance de «Marie Clémentine Barbas» junior, à Avricourt en 1873.

Comment expliquer qu’on n’ait pas marié Pierre et Clémentine plus tôt, à la naissance de leur premier bébé ? J’ai d’abord imaginé que ce n’était pas forcément la fille de Pierre. Qu’il était arrivé plus tard dans la vie de Clémentine, et qu’il avait décidé de reconnaître sa fille pour l’adopter. Mais l’acte de mariage précise que l’enfant est «né d’eux». Donc, sauf mensonge sur ce point, l’histoire est plus simple que ça. Clémentine avait 16 ans quand elle est tombée enceinte de sa fille. Trop jeune pour le mariage. Pas dans la loi, car les jeunes filles pouvaient être mariées dès 15 ans depuis le Code civil napoléonien de 1804, mais peut-être que Clémentine n’avait pas l’autorisation de ses parents, nécessaire avant sa majorité matrimoniale acquise à 21 ans… Ou peut-être que la situation n’était pas encore propice.

Une fois reconnue par son père, Marie Clémentine junior a pu s’appeler ERHART. Et elle a rapidement eu un vrai prénom d’usage : Mélanie. Je l’ai lu dans un contexte assez triste, sur son acte de décès bien prématuré. Mélanie ERHART est morte à 15 ans. Elle était Fabrikarbeiterin, dit le document : ouvrière, déjà. Un accident au travail ? Une maladie ? On ne saura pas.

«L’ouvrier Peter Erhart a déclaré que sa fille Mélanie Erhart, ouvrière, âgée de quinze ans, de religion catholique, habitant à Bellevue […]»

Les enfants d’Avricourt, et la Dijonnaise exilée

Dans leurs premières années à Avricourt, Pierre et Clémentine ont donc eu un premier bébé renommé Mélanie, puis Lucie qui naît six mois après le mariage, puis Henry en 1877 et enfin Marie-Louise (mon aïeule) en 1878. Clémentine a 22 ans et déjà quatre enfants.

J’ai trouvé leur dates et le nom de leurs conjoints respectifs :

  • Mélanie ERHART, née en 1873 à Avricourt. Morte le 1 juillet 1888 à Hoff, à 15 ans.
  • Marie « Lucie » ERHART 1875 à Avricourt. Mariée le 28 mai 1898 à Dijon avec Louis Etienne JACOB. Morte le 21 août 1907 à Dijon, à 32 ans.
  • Henry ERHART, né en 1877 à Avricourt. Marié le 20 octobre 1902 à Buhl avec Marie Anne HEINRICH. Mort le 29 octobre 1956 à Sarrebourg, à 79 ans
  • « Marie » Louise ERHART, née en 1878 à Avricourt. Mariée le 19 août 1899 à Hoff avec Jacques SCHAEFFER. Morte le 4 décembre 1956 à Sarrebourg, à 78 ans (à vérifier).

Lucie ERHART est celle que j’ai le plus fouillée, car elle s’est exilée en Côte d’Or pour y épouser un peintre Dijonnais, Louis Etienne JACOB. Le couple a la bougeotte. Quatre ans après leur mariage, ils habitent à Nuits-Saint-Georges au sud de Dijon et ont une fille, Germaine Céline Henriette. Puis ils déménagent à Pierre (aujourd’hui Pierre-de-Bresse) et ont un garçon encore quatre ans après, Marcel. Lucie meurt prématurément, à 32 ans, à l’hôpital de Dijon. Veuf, Louis Etienne se remarie un an plus tard, puis divorce, et meurt en 1917 durant la Grande Guerre.

Les enfants de Buhl, et la marraine retrouvée

Entre 1878 et 1880, Pierre et Clémentine ERHART s’installent à Buhl, banlieue sud-est de Sarrebourg. Leur progéniture s’enrichit de :

  • Catherine « Céline » ERHART, née en 1880 à Buhl. Mariée le 17 octobre 1903 à Hoff avec Jacques HÜHN. Morte le 26 mars 1963 à Sarrebourg, à 82 ans.
  • Pierre « Lucien » ERHART, né en 1882 à Buhl. Marié le 12 mai 1919 à Buhl avec Hélène HARLE. Mort le 11 avril 1945 à 63 ans.

J’ai un peu galéré avec cette première Buhloise. Sur son acte de naissance rédigé en allemand, je lis simplement le prénom Katharina. Mais je sais par ailleurs qu’il existe une certaine Céline dans l’immense fratrie ERHART, car c’est la marraine de mémé Mathilde. C’est écrit sur la copie de son baptême en latin : «la marraine est Céline Erhart, tante maternelle de l’enfant»… Elle a même signé le baptême.

«Matrina vero fuit Coelina Erhart matertera infantis hujus parochiae»

C’est dans les tables décennales de Hoff que j’ai fini par faire le lien. En 1903, j’y vois un mariage entre «Cälina Katherina ERHART» et «Jakob HÜHN». Si on parle bien de la même personne, Catherine s’est vu adjoindre un deuxième prénom entre temps et c’est celui-là qu’elle a gardé en prénom d’usage le reste de sa vie.

«Cälina Katherina ERHART»

Une mention en marge de l’acte de naissance de Catherine dit qu’elle est morte en mars 1963 à Sarrebourg. Ça colle bien avec les souvenirs de maman, qui rendait visite à Céline avec mémé Mathilde quand elle était petite au début des années 1960.

Les enfants de Hoff

Entre 1882 et 1883, Pierre et Clémentine posent leurs valises à Maladrie, à Hoff. Et ils ne baissent pas la cadence ! Mais c’est une période difficile de leur vie, où deux enfants successifs meurent en bas âge.

  • Charles Théodule ERHART, né à Maladrie (Hoff) en août 1883. Mort à Maladrie en septembre 1884, à 1 an.
  • Aline Caroline ERHART, née à Maladrie (Hoff) en juillet 1885. Morte à Maladrie en août 1886, à 1 an.
  • Pierre Charles ERHART, né à Maladrie (Hoff) en 1886. Peut-être décédé le 30 janvier 1921 à Buhl, à 34 ans (à vérifier).

Puis la grande famille déménage à Bellevue, un peu plus loin à Hoff. Et la vie continue avec ses hauts et ses bas :

  • Ida Mélanie ERHART, née à Bellevue (Hoff) en 1888. Morte le 27 janvier 1966 à Verrières-le-Buisson (Essonne) à 77 ans.
  • Aline ERHART, née à Bellevue (Hoff) en juillet 1890. Morte en août à Maladrie, à 1 mois.

Ida Mélanie, qui porte en deuxième prénom l’hommage à son aînée fauchée en pleine adolescence, se retrouve en Essonne pour ses vieux jours. Il faut que je creuse.

Quant à la petite Aline, qui n’a même pas vécu un mois, elle nous permet de dater très précisément le moment où ses parents reviennent à Maladrie. Car son acte de naissance du 13 juillet les situe à Bellevue, et son acte de décès du 11 août les indique à Maladrie. Suite et fin de la progéniture :

  • Emil ERHART, né à Maladrie en 1891. Peut-être mort le 13 avril 1895 à 3 ans (un « Peter Emil » est mentionné dans les tables décennales).
  • Paul Camille ERHART, né à Hoff en 1893. Marié le 21 mai 1923 à Henridorff avec Ernestine Pauline RHEIN. Mort le 13 mars 1974 à 80 ans.
  • Anna Rosalie ERHART, né à Hoff en 1895. Perdue de vue.
  • Pierre ERHART, né à Hoff en 1896. Marié le 28 juin 1920 à Buhl avec Delphine KRIEG. Mort le 13 janvier 1966 à Mulhouse, à 69 ans.
  • Albert ERHART, né à Hoff en mars 1898. Mort le 27 août à Hoff, à 5 mois.

Ces cinq-là sont à vérifier, car les archives départementales de la Moselle sont pourries lacunaires et ne proposent pas en ligne la consultation des registres d’état civil après 1892 (alors qu’on devrait avoir accès à tous les actes plus vieux que 100 ans… soit tout ce qui est antérieur à 1924 aujourd’hui). Je n’ai que des noms et des prénoms listés, en naissance et en décès, sur les tables décennales de Hoff. En considérant qu’il y a une seule famille ERHART à Hoff à cette époque, j’ai plutôt confiance. Et puis, il y a un autre généalogiste sur Généanet, descendant direct des Erhart, qui semble avoir fait le même travail que moi et avoir pas mal d’archives familiales, voire de déplacements aux archives municipales, pour corroborer tout ça. Il faudra que j’aille faire un tour à la bibliothèque de Sarrebourg pour être sûre de moi.

Dans les tables décennales de Hoff.

Et voilà. C’est tout. Enfin, « tout »… Pierre ERHART et Clémentine BARBAS ont tout de même eu seize enfants en l’espace de 25 ans, entre 1873 et 1898. Clémentine a eu son premier enfant à 17 ans et son dernier à 42 ans. Si elle n’a pas gagné la médaille de la famille échelon ultra-platine, avec tout ça…

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